Chercher un guide pas un style.
Les textes de yoga communiquent sans cesse sur l’importance d’avoir un enseignant. Sans lui, nous devenons aveugles à nos conditionnements et à nos habitudes d’auto-sabotage et de tromperie. L’élève doit chercher un professeur qui puisse patiemment pénétrer son armure résistante et ne pas simplement dorloter ses insécurités. Il doit y avoir un lien dès le départ entre les deux parties. Plus nous acquérons de l’expérience et plus la pratique se fraye un chemin à travers nous, plus il devient nécessaire d’avoir un guide. Les pièges deviennent de plus en plus profonds à mesure que nous sommes moins susceptibles de voir au-delà de nos réalisations assumées et de nos connaissances acquises.
Trouvez un professeur. Pas un style, pas une marque. Il ne s’agit pas de faire partie d’un club. Il s’agit d’avoir une quête et un intérêt communs. Il existe aujourd’hui tellement de styles de yoga, franchises et associations, mais il s’agit toujours de trouver un professeur qui corresponde à nos poursuites et objectifs actuels. Ceux-ci peuvent changer au fil du temps, mais l’accompagnement est nécessaire tout au long du parcours yogique.
Il se peut que plusieurs professeurs enseignent un style spécifique, mais ils peuvent être très différents et avoir des interprétations différentes de ce qui a été appris. Nous venons tous de milieux différents avec des conditionnements différents, avons eu des expériences de vie différentes et avons des désirs différents. Même si nous partageons le même professeur, nous avons tous des conceptions différentes, nous assistons à des cours différents et entendons des parties différentes des conférences. Nous avons tous des forces et des faiblesses différentes, des personnalités différentes et nous nous exprimons tous de manière différente. Chaque professeur est différent, quel que soit le style qu’il enseigne.
Un style de yoga ne doit pas devenir le McDonald’s du yoga où l’on sait exactement ce que l’on va commander en arrivant en cours. Faire répéter un scénario dans chaque cours, où que vous alliez dans le monde, n’est pas un enseignement. Le yoga ne doit pas être transformé en franchise générique comme nous l’avons fait avec l’industrie de la restauration rapide. Même si l’on suit une séquence et des techniques spécifiques, il doit rester à celui qui guide de s’adapter aux participants. Sinon, nous forçons les étudiants à s’adapter à un système, parfois inapproprié pour eux et avec des conséquences négatives.
Cherchez un enseignant avec lequel vous vous connectez et en qui vous avez confiance. C’est lui qui transmettra les connaissances recherchées. Lorsque j’ai trouvé mon guide, cela m’aurait été égal qu’il enseigne les bases du nettoyage des toilettes, je sentais qu’il avait quelque chose dont j’avais besoin. Je n’ai jamais entendu parler du style de yoga qu’il enseignait et cela n’avait pas d’importance. Je me nourrissais chaque fois que j’étais en sa présence et je rentrais à la maison avec plus qu’une bouchée de travail à mâcher, en y retournant toujours pour apprendre davantage.
J’ai dû traverser l’océan pour trouver mon enseignant. Aujourd’hui, les gens sont à peine disposés à aller aussi loin que l’épicerie locale pour suivre un cours, car il y a un studio à presque chaque coin de rue. La plupart ne voit pas l’utilité d’un enseignant et ne recherchent qu’un bon entraînement, ne voulant pas payer plus que le prix d’un café pour quelque chose qui est censé changer leur vie.
La commodité et la popularité l’emportent pour les masses. La recherche du studio le plus proche avec des offres spéciales et un buffet d’enseignants à choisir. Nous nous retrouvons dans des fast-foods qui recherchent la quantité la moins chère au lieu d’avoir un seul choix de qualité satisfaisant.
Mais si nous aspirons à mieux, nous devons continuer à chercher jusqu’à ce que nous trouvons.
« Que faites-vous lorsque vous vous êtes libéré de tout désir,
à l’exception du désir d’être libéré de tout désir ? »
Un enseignant compétent agit comme un miroir et peut nous refléter tout ce que nous avons besoin de savoir. Lorsque cela n’est plus possible, il doit nous guider vers la prochaine étape. Cependant, la plupart du temps, c’est l’élève qui part une fois qu’il a été touché ou qu’il a heurté un obstacle qu’il n’arrive pas à surmonter ou à comprendre. Le style de yoga ou le professeur seront blâmés et l’élève changera de cap et ira chercher un autre système ou un autre professeur. Nous pouvons progresser rapidement dans le nouveau système, car il est toujours passionnant et semble différent, mais il viendra un moment où nous nous heurterons au même mur, où nous serons confrontés au même blocage. Nous pouvons soit nous enfuir une fois de plus et changer de direction, faire en sorte qu’il apparaisse différent pour ensuite continuer le processus et atteindre le même seuil de nos capacités… ou bien nous nous accrochons.
Comme le dit Cheri Huber, fondatrice du Centre de paix du monastère Zen :
« Il vaut mieux creuser un trou très profond et trouver de l’eau que d’en creuser 50 peu profonds et ne jamais rien trouver. »
J’ai donné des cours et assisté à d’autres où une personne reste à l’arrière à faire ses propres choses. Il se met en torsion quand le reste du groupe se plie vers l’avant. Le yoga s’est transformé en « écoutez votre corps, faites ce que vous voulez, faites ce qui vous fait du bien, soyez votre propre professeur ». C’est une illusion si nous voulons un jour dépasser nos propres préférences limitées.
Je comprends la résistance à l’idée de suivre un gourou, surtout que le nom a été tellement détourné. Un gourou n’est pas nécessaire, mais un guide l’est. Laissés à nous-mêmes, nous tombons simplement dans un conditionnement de peur dense et aveuglant. Plus nous voyons, plus il devient difficile d’en sortir et plus il est nécessaire d’avoir une présence impartiale. Les bons guides ne devraient jamais chercher à nous enlever quoi que ce soit, ils ne veulent rien de nous, jamais. Ils ne sont là que pour refléter, pour nous guider sur un chemin qu’ils ont déjà parcouru, et pour veiller à notre bien-être. Ils n’ont pas besoin de nous, mais nous avons besoin d’eux.
Mon mari me raconte souvent l’histoire d’une expédition d’alpinisme où il y avait un risque d’avalanche à cause du mauvais temps. L’un des participants est entré et s’est exclamé : « Je pense que nous devrions aller par là ». Le guide a répondu en criant :
« Ce n’est pas une démocratie !
C’est moi qui suis responsable du groupe. Vos vies sont entre mes mains ».
C’est la même chose pour le yoga. La salle de classe n’est pas une démocratie. Le professeur a, espérons-le, parcouru suffisamment de terrain pour avoir plus d’expérience et de compétences que les élèves et devrait être celui qui mène la barque. Il va dans une certaine direction et vous emmènera si vous le suivez, mais pas si vous vous écartez du chemin. Il a vu les pièges. Si quelque chose arrive à un élève, c’est l’enseignant qui accumule le karma. En même temps, si nous ne pouvons pas écouter l’enseignement en tant qu’élève, nous mettons le reste du groupe en danger en modifiant le rythme. Si nous ne sommes pas capables de suivre de simples directives et que nous croyons devoir faire notre propre recette, alors comment pouvons-nous pratiquer le yoga et suivre la force vitale, la voie de la nature ?
Ce n’est pas la même chose que de se soumettre aveuglément à quelqu’un d’autre et être un paillasson. Nous devons savoir qui est en tête du peloton, évaluer notre niveau de compétence et être honnêtes quant à ce que nous savons réellement. Le yoga a toujours été enseigné par une transmission du professeur à élève. Non pas pour opprimer l’élève, mais pour le protéger de lui-même. Les yogis connaissaient les pentes glissantes sur lesquelles l’esprit et la fierté voyagent et le risque élevé d’avalanches qui en découlent. Et ce d’autant plus que nous grimpons de plus en plus haut avec l’accumulation chaque année de nouvelles expériences pratiques.
J’ai passé un certain temps dans un ashram et un jour dans le jardin pendant les heures de travail, j’ai entendu un swami lors de sa promenade matinale qui demandait à savoir ce qu’un étudiant pensait qu’elle faisait. Apparemment, la femme avait décidé d’elle même de réarranger les plantes dans une nouvelle configuration sans autorisation. L’étudiante a dit qu’elle pensait que ce serait plus beau ainsi. Eh bien, l’étudiante s’est fait dire qu’on ne lui avait pas demandé de l’améliorer, on lui a simplement demandé de faire le travail. J’ai ri en pensant que c’était si évident, jusqu’à ce que je me rende compte que je faisais souvent les mêmes erreurs moi-même. Pensant qu’il s’agit de moi et de mes idées et améliorant et corrigeant les choses, ne fait que répondre à mes désirs et ambitions égocentriques inconscients.
Avoir un professeur nous aide à rester sur le bon chemin tout en foulant dangereusement notre territoire subconscient. Le guide nous délivre de ce que nous voulons faire et nous dirige vers ce qui doit être fait. Sommes-nous capables de faire le travail requis ? Ni plus, ni moins.
Merci infiniment à Valérie Carretero, enseignante de Shadow Yoga dans le Sud de la France pour la traduction de cet article!
Cliquez ici pour l’article original en anglais.
Radhasri (Rhonda Fogel), fondatrice du ‘Hatha Yoga Shala’ à Montréal, enseigne le yoga au Canada depuis 1998 et est certifié en Shadow Yoga depuis 2005.